MÉMOIRE DU YWCA

SOMMAIRE

En tant que plus grand fournisseur de centres d’hébergement pour les femmes fuyant la violence, YWCA Canada salue l’engagement du gouvernement énoncé dans le Discours du Trône de 2011 de « faire face au problème de la violence faite aux femmes et aux jeunes filles. »

Recommandation 1 : Assurer la coordination des politiques relatives à la lutte contre la violence à l’égard des femmes

YWCA Canada demande instamment au gouvernement de mettre en oeuvre la principale recommandation du rapport Vivre au-delà du refuge pour une coordination des politiques dans les trois ordres de gouvernement. Le budget de 2012 devrait engager le gouvernement fédéral à assurer, avec l’apport du secteur des services pour la femme, la coordination dans les trois ordres de gouvernement des politiques relatives à la lutte contre la violence à l’égard des femmes afin de garantir leur sécurité.

Recommandation 2 : Combler les lacunes dans les services de refuges d’urgence

Pour entreprendre la mise en œuvre de l’engagement énoncé dans le Discours du Trône, consistant à faire face au problème de la violence faite aux femmes et aux jeunes filles, le budget de 2012 devrait prévoir un fonds annuel de subventions visant à remédier aux lacunes constatées dans la prestation des services de refuge aux femmes fuyant la violence, qui serait administré par l’organisme Condition féminine Canada.

Recommandation 3 : Entamer des discussions sur les services de garde d’enfants

Aujourd’hui, le nombre de jeunes femmes diplômées des collèges et des universités a dépassé celui des jeunes hommes et les deux tiers des femmes qui ont un enfant de moins de six ans sont sur le marché du travail. Le budget de 2012 devrait engager le gouvernement fédéral à entamer des discussions sur l’éducation préscolaire et la garde d’enfants pour assurer la prospérité future et réagir aux changements sur le plan de l’emploi et dans la vie des familles.

Relever le défi : Budgétiser en tenant compte de la réalité des femmes dans le Canada d’aujourd’hui 

Depuis plus de 100 ans, YWCA Canada plaide en faveur de politiques et de programmes qui visent à améliorer la vie des femmes et des jeunes filles au Canada. En tant que plus important et plus vieil organisme à offrir des services polyvalents pour les femmes au Canada, YWCA Canada et ses 34 associations membres ont recueilli et dépensé plus de 190 millions de dollars par année en mettant en place des services dans les collectivités de neuf provinces et deux territoires.[1]

Notre point de vue découle de notre connaissance directe de l’expérience des dizaines de milliers de femmes qui font appel à nos services et programmes chaque année de Victoria à Iqaluit et Halifax. Après plus de 140 ans d’histoire, nous sommes devenus le plus grand fournisseur de centres d’hébergement pour les femmes et les enfants fuyant la violence, de services pour les femmes et le deuxième en matière de services de garde.

Les femmes constituent la majorité de la population du Canada et sont un segment en constante croissance de la main-d’oeuvre qui, à ce moment de notre histoire, comprend essentiellement autant d’hommes que de femmes. Pour assurer à notre pays un avenir prospère, il faut garantir un avenir prospère aux Canadiennes. Lorsque les femmes et leurs familles prospèrent, le pays prospère aussi. On ne peut plus traiter les femmes comme accessoires dans nos programmes économiques. Les femmes sont essentielles à la prospérité et à la productivité du pays. Une politique économique qui ne reconnaîtrait pas ce fait échouerait parce qu’elle ne serait pas fondée sur les réalités du Canada d’aujourd’hui.[2]

L’analyse différenciée des dépenses selon les sexes sert à évaluer les répercussions des politiques et des budgets sur les femmes, et à relever les préjugés liés au genre dans les dépenses du gouvernement. Connue aussi sous le nom d’analyse sexospécifique des budgets, c’est un outil qui aide à comprendre les « répercussions sexospécifiques des processus budgétaires et des politiques macroéconomiques »[3]. Ce type d’analyse est utilisé partout dans le monde. Considérée comme une étape dans le processus budgétaire, l’analyse sexospécifique permet de corriger les préjugés liés au genre dans des politiques dont on présume à tort qu’elles ne sont pas sexistes. YWCA Canada encourage le gouvernement fédéral à mettre en oeuvre les recommandations du Rapport du Comité permanent de la condition féminine de février 2009, Vers une budgétisation sensible à la sexospécificité : relever le défi de l’égalité entre les sexes, y compris dans le processus budgétaire de 2012 et notamment dans tous les actes législatifs identifiés dans le programme du gouvernement en matière de loi et d’ordre.

RECOMMANDATIONS BUDGÉTAIRES

1) Faire face au problème de la violence faite aux femmes : Discours du Trône, juin 2011

En tant que plus grand fournisseur de centres d’hébergement pour les femmes qui fuient la violence, YWCA Canada salue l’engagement du gouvernement énoncé dans le Discours du Trône de 2011 de « faire face au problème de la violence faite aux femmes et aux jeunes filles. »

Au cours de la dernière décennie, YWCA Canada a mené une vaste étude sur les solutions à la violence faite aux femmes et aux jeunes filles, y compris une analyse des services offerts et la prévention à la violence, qui a débouché sur un rapport de politique, publié en 2009, intitulé Vivre au-delà du refuge : Vers des politiques publiques coordonnées visant la sécurité des femmes et la prévention de la violence, comportant des recommandations relatives à des mesures gouvernementales et de la documentation sur des pratiques prometteuses au Canada.

YWCA Canada invite instamment le gouvernement à examiner les recommandations du rapport Vivre au-delà du refuge jetant un regard sur les possibilités de réduire la violence faite aux femmes dont le coût dépasserait 4 milliards de dollars par année. La recommandation la plus pressante de ce rapport concerne la coordination des politiques dans les trois ordres de gouvernement. Pour mettre en œuvre l’engagement pris dans le Discours du Trône, le gouvernement fédéral devrait agir comme chef de file dans le processus de coordination en prévoyant des discussions fédérales-provinciales-municipales visant à assurer la coordination des politiques, avec l’apport du secteur des services d’assistance aux victimes de violence et d’autres secteurs pertinents (comme celui de la santé publique).

Recommandation 1 : être le chef de file dans la coordination des politiques sur la violence à l’égard des femmes

Le budget de 2012 devrait engager le gouvernement fédéral à diriger, avec l’apport du secteur des services pour les femmes, un processus visant à coordonner les politiques relatives à la violence faite aux femmes dans les trois ordres de gouvernement afin de garantir la sécurité des femmes.

Coût : administratif seulement

Source de financement : récupérable par le biais de réductions des transferts intergouvernementaux

2) Améliorer l’accès à des refuges d’urgence : donner suite au Discours du Trône

Depuis les années 1970, le Canada a pu se doter d’un système éprouvé de centres d’hébergement pour les femmes fuyant la violence, en grande partie perpétrée par leurs conjoints et d’autres personnes proches. Initiée par des femmes qui ont créé des centres d’accueil dans leurs communautés, cette réponse communautaire a évolué dans la plupart des pays, au cours des trente dernières années, pour devenir un service social professionnel accessible aux femmes à la suite d’incidents de violence. Toutefois, les recherches ont permis d’identifier de graves lacunes dans ce système.[4] Afin d’assurer que toutes les Canadiennes aient accès à un refuge d’urgence au besoin pour se protéger de la violence, le système doit encore se développer pour :

  • rejoindre les femmes des milieux ruraux;

  • rejoindre les femmes dans les Territoires du Nord-Ouest;

  • donner aux femmes handicapées l’accès à des refuges;

  • améliorer les compétences culturelles et linguistiques dans la prestation des services

De plus, la crise du logement qui sévit dans chacun des trois territoires a de graves répercussions sur les femmes avec des enfants qui essaient d’échapper à la violence. Le logement dans les trois territoires nordiques est grandement désavantagé par le manque de financement fédéral affecté au logement social.[5]

Recommandation 2 : Combler les lacunes des services de refuges d’urgence

Pour entreprendre la mise en œuvre de l’engagement énoncé dans le Discours du Trône, consistant à faire face au problème de la violence faite aux femmes et aux jeunes filles, le budget de 2012 devrait prévoir un fonds annuel de subventions visant à remédier aux lacunes constatées dans la prestation des services de refuge aux femmes fuyant la violence, qui serait administré par l’organisme Condition féminine Canada.

Coût : 13 millions de dollars

Source de financement : 3 % de réduction sur l’augmentation prévue de 25 % du budget (458 millions de dollars en frais d’exploitation et d’investissement) pour la détention dans les services correctionnels au Canada (budget principal des dépenses pour 2011-12) relativement aux coûts liés à la Loi sur l’adéquation de la peine et du crime de 2009, en utilisant l’analyse différenciée des budgets selon les sexes et en prévoyant une mise en œuvre progressive.

3) Les femmes en avance dans le domaine de l’éducation : Accroître les services de garde d’enfants

YWCA Canada continue d’encourager le gouvernement fédéral à prendre des mesures visant à garantir l’accès à des services de garde pour toutes les familles qui en font la demande.

Plus d’une trentaine d’années d’augmentation ininterrompue de la participation des femmes à la population active a fait en sorte que la main-d’œuvre canadienne a presque atteint un équilibre parfait entre les deux sexes. C’est le résultat d’une augmentation constante et inexorable de la part des femmes à la vie active. Depuis 1976, le nombre de femmes sur le marché du travail au Canada a doublé. Un maintien de l’accroissement annuel moyen des 30 dernières années (0,327 point de pourcentage) ferait en sorte que le nombre de femmes sur le marché de l’emploi dépasserait nettement celui des hommes avant la fin de la décennie.

Le taux d’emploi des femmes avec des enfants – mères – a suivi la même tendance à la hausse, en passant d’un taux d’emploi de 27,6 % en 1976 pour les femmes ayant des nourrissons et des tout-petits (enfants de moins de trois ans) à 64,4 % en 2009. Les deux tiers des mères (66,5 %) avec un jeune enfant allant dans un établissement préscolaire ou un jardin d’enfant faisaient partie du marché du travail en 2009.[6]

La participation accrue des femmes sur le marché du travail a été favorisée par une augmentation de leur niveau de scolarité, tendance qui s’est poursuivie pendant plusieurs décennies. Selon Statistique Canada, il s’est produit un « revirement radical sur les campus des universités canadiennes. » Le taux de jeunes femmes diplômées est passé de 32 % en 1971 à 60 % en 2006. Dans de nombreuses professions, le nombre de femmes diplômées dépasse celui des hommes.[7]

Diplômés universitaires âgés entre 25 et 29 ans ventilés selon le sexe[8]

Année

1971

1981

1991

2001

2006

% de femmes

32

46

51

58

60

Dans le même temps, les femmes sont demeurées en grande partie responsables de la garde des enfants. La prospérité de tout le pays est intimement liée à la participation au marché du travail d’une main-d’œuvre fortement scolarisée et spécialisée, ce qui est de plus en plus l’apanage des femmes. À moins d’un changement radical chez les hommes en ce qui concerne l’éducation des enfants, l’accès à l’éducation préscolaire et aux services de garde d’enfants sur le plan national deviendra de plus en plus indispensable pour l’avenir de notre prospérité économique.

Avec les gouvernements provinciaux qui investissent dans la maternelle à plein temps, l’occasion est donnée au gouvernement fédéral d’engager des discussions sur le développement de structures d’éducation préscolaire et de services de garde d’enfants avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Selon les études, l’investissement dans les services de garde pour les familles à faible revenu produit un taux de rendement considérable, soit quelque part entre 4 $ et 16 $ pour chaque dollar investi.[9] Ce genre d’investissement appuierait les efforts consacrés par le  gouvernement fédéral pour éliminer le déficit et rétablir l’équilibre budgétaire en favorisant la croissance économique. L’investissement dans l’éducation préscolaire et les services de garde d’enfants est astucieux sur le plan financier.

Recommandation 3 : Entamer des discussions sur les services de garde d’enfants

Le budget de 2012 devrait engager le gouvernement fédéral à entamer des discussions sur l’éducation préscolaire et la garde d’enfants pour assurer la prospérité future et réagir aux changements sur le plan de l’emploi.

Coût : administratif seulement.

Les femmes sont essentielles à la prospérité économique du Canada aujourd’hui, et elles le seront encore plus dans l’avenir. Puisque les femmes continuent d’assumer une part de plus en plus grande du fardeau fiscal, il faut façonner les politiques qui puissent les soutenir dans leur vie. Il est essentiel d’adopter l’analyse budgétaire sexospécifique pour élaborer des politiques qui favorisent l’économie au Canada et une société sûre où les femmes ne seront pas victimes de la violence familiale ou se produisant dans les rues de leurs communautés, ou incarcérées pour s’être défendues ou avoir défendu leurs enfants. Un avenir prospère pour notre pays demande de veiller à ce que les femmes au Canada – avec leurs compétences, leurs talents et leur éducation – aient plein accès au marché du travail et puissent exercer tous leurs droits démocratiques. Agir autrement serait rendre un mauvais service à notre pays et refuser de relever les défis à venir.

Préparé par Ann Decter, directrice du plaidoyer et des politiques publiques, adecter@ywcacanada.ca


[1]       YWCA Canada, rapport annuel 2010, juin 2011.

[2]       Par exemple, bien que de façon générale, les taux de pauvreté chez les femmes autochtones soient beaucoup plus élevés que chez les femmes non autochtones, chez les femmes qui ont un ou deux diplômes d’études postsecondaires, les femmes autochtones ont un revenu médian plus élevé que les femmes non autochtones. The Income Gap between Aboriginals and the Rest of Canada, CCPA, 2010.

[3]       Isabella Bakker, « Gender Budget Initiatives and Why the Matter in Canada », Alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral en 2006, Centre canadien de politiques alternatives, 2006.

[4]       YWCA Canada, Vivre au-delà du refuge : Vers des politiques publiques coordonnées visant la sécurité des femmes et la prévention de la violence, YWCA Canada, octobre 2009; Statistique Canada, Les maisons d’hébergement au Canada : feuillets d’information pour le Canada, les provinces et les territoires, 2007-2008.

[5]       YWCA Canada, Vivre au-delà du refuge : Vers des politiques publiques coordonnées visant la sécurité des femmes et la prévention de la violence, YWCA Canada, octobre 2009.

[6]       V. Ferrao, Paid Work, Women in Canada: A Gender-based Statistical Report, Statistique Canada, décembre 2010

[7]       M. Frenette & K. Zeman, Pourquoi les femmes sont-elles devenues majoritaires à l’université? Statistique Canada, décembre 2008, http://www.statcan.gc.ca/pub/81-004-x/2008001/article/10561-fra.htm

[8]       Ann Decter, Educated, Employed and Equal: The Economic Prosperity Case for Child Care, YWCA Canada, 2011.

[9]       9 Nathan Laurie, The Cost of Poverty: An Analysis of the Economic Cost of Poverty in Ontario, Ontario Association of Food Banks, novembre 2008.